Réfléchir après l’action : vers des organisations apprenantes ? Les Cahiers du DRH n°197, Avril 2013

Article co-écrit par Bruno Lefebvre, psychologue clinicien, associé-fondateur d’AlterAlliance et Jean-Michel Morin, sociologue des organisations, cofondateur du master IRH de l’Université Paris Descartes. Après une action collective, il...

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Article co-écrit par Bruno Lefebvre, psychologue clinicien, associé-fondateur d’AlterAlliance et Jean-Michel Morin, sociologue des organisations, cofondateur du master IRH de l’Université Paris Descartes.

Après une action collective, il est rare que l’on prenne véritablement le temps de se réunir pour réfléchir afin d’en tirer explicitement des enseignements ; que ce soit après une réussite pour s’améliorer ou après une difficulté pour rebondir. C’est pourtant l’occasion idéale d’apprendre ensemble dans les organisations.

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Sommaire :

  • Managers : comment trouver du soutien dans un collectif ?
  • Préalables
  • Processus
  • Temps de formation
  • Echange de pratiques managériales
    • Etape 1 : choix d’un sujet par chaque participant
    • Etape 2 : choix des sujets d’intérêt collectif
    • Etape 3 : traitement des situations par le collectif de managers
    • Etape 4 : consolidation des réflexions menées dans les différents groupes
  • D’une réussite commune à son exploitation éducative
  • Une méthode suivie dans les deux situations
  • Aller plus loin en inversant la démarche ?
  • Variété des contextes et des perspectives
  • Vers des organisations apprenantes ?
  • Etape de conclusion et de commencement

Après un succès collectif, il est rare de s’attarder sur les ressorts de la réussite. Une fois le triomphe fêté, autant repartir vite dans l’action pour consolider les résultats et pousser l’avantage. Mais justement, c’est le moment où l’euphorie, l’excès de confiance, peuvent devenir de mauvaises conseillères. A fortiori, après un échec, nul n’a envie de revenir longuement sur les causes. Il est plus facile de trouver un coupable que de se poser tous comme responsables. La frustration le dispute ici au découragement. Surtout, la peur d’une sanction l’emporte sur le fameux droit à l’erreur. Plus largement, l’analyse des situations de difficulté se fait souvent en termes de recherche de responsabilités plus que de solutions.

En définitive, dans aucun des deux cas extrêmes, on ne prendra un moment pour échanger sur l’expérience, positive ou négative. De surcroît, dans les deux cas et dans toutes les situations intermédiaires de semi-réussite ou de quasi-échec, la pression des urgences, le coût d’un tel investissement ou le manque de méthodes pour animer empêchent qu’une réflexion commune constructive soit menée sur ce qui vient d’être vécu.

Pourtant, les retombées fructueuses d’une telle démarche sont aussi connues que le processus en est timidement appliqué. D’ailleurs, les organisations exemplaires, où cela se pratique, suscitent souvent admiration et envie. Il existe des techniques de « feedbacks » dans les entreprises les mieux pilotées. Les sportifs ont la réputation de « refaire le match » pour faire mieux la prochaine fois. Les militaires sont reconnus pour leurs « débriefings » visant à accroître l’efficacité opérationnelle, etc. Mais, justement, si une telle démarche est effectuée, encore une fois timidement et dans un nombre trop restreint d’organisations, alors même que les bénéfices sont nombreux, pourquoi ne pas regarder de plus près comment s’y prendre ? Dans quelles conditions ? Avec quels résultats ?

Nous proposons de partir de quelques situations variées pour faire ressortir que des démarches simples et peu coûteuses permettent de produire ensemble de l’intelligence, véritable prélude à une organisation plus apprenante. L’enjeu est ainsi que les enseignements élaborés au niveau des participants et managers puissent faire évoluer les pratiques de l’organisation toute entière. Au passage, on mesurera le manque à gagner lorsque l’impasse est faite sur ces échanges et retours d’expérience. Le coût d’opportunité de ces occasions non exploitées paraît alors très élevé. On finira alors par se demander s’il ne faudrait pas parfois, non seulement réfléchir sur des occasions privilégiées lorsqu’elles se présentent, mais au besoin susciter délibérément des actions pour pouvoir ensuite en dégager tout le sens en commun.

Managers : comment trouver du soutien dans un collectif ?

Les managers trouvent de plus en plus d’informations face aux difficultés techniques qu’ils rencontrent : de plus en plus de réseaux sociaux sont structurés au sein même des entreprises afin de créer des « communautés d’intérêts ou de métier » afin de faciliter la circulation de l’information technique. De plus internet a vraisemblablement révolutionné la circulation de l’information.

Dans la matière managériale, la réalité est tout autre : le manager est souvent seul. A qui peut-il parler des difficultés qu’il rencontre dans l’exercice du management ? Sa propre hiérarchie n’a pas toujours la disponibilité, voire fait partie du problème rencontré. La formation au management est certainement un préalable, mais est-elle suffisante à l’entretien ou au développement des compétences managériales à l’heure de la prévention des risques psychosociaux et de la judiciarisation du rapport entre l’employé et l’employeur?

Par ailleurs, quand plusieurs managers rencontrent le même type de difficulté (par exemple, le manque de définition claire du rôle managérial et son manque de reconnaissance), cela doit aussi interroger l’organisation et les process RH.

Ainsi, le défi qui se pose pour accompagner les managers, sans nier la dimension organisationnelle de leurs difficultés est le suivant : il s’agit de faire le lien entre une problématique qui se pose à un individu, un traitement collectif de cette problématique, une mise à jour et une interrogation du référentiel managérial, un traitement au niveau de l’organisation des problématiques collectives.

Nous allons décrire ici une méthode en quatre étapes qui permet d’apporter une contribution à cette question.

Préalables

Pour lui donner tout son sens, ce type de démarche doit supposer un engagement fort de la direction dans les termes suivants :

L’analyse des propos tenus dans les groupes d’échanges entre managers permettront d’identifier des éléments organisationnels à faire évoluer. Retenons les exemples classiques du manque de reconnaissance de la fonction managériale ou le manque de compréhension/d’adhésion de la vision de l’entreprise portée par les dirigeants

L’enjeu est de rassembler des groupes de 8 à 10 managers, sans liens hiérarchiques entre eux.

De concert, la direction, la DRH et le CHSCT peuvent annoncer qu’après un temps de formation sur le stress, la Qualité de Vie au Travail et le rôle et les limites du rôle du manager, il leur sera proposé d’échanger en prenant pour base des situations réelles mais anonymes impliquant le manager face aux risques psychosociaux ou souhaitant développer la Qualité de Vie au travail.

Les six dimensions de la qualité de vie au travail (QVT) selon l’ANACT (2007):

  • La qualité des relations au travail (reconnaissance du travail, sentiment d’écoute et de respect, participation aux décisions…)
  • La qualité du contenu du travail (autonomie, variété des tâches, complétude, feedback intégré…)
  • La qualité de l’environnement physique (ambiance et sécurité physiques)
  • La qualité de l’organisation du travail (qualité de la prescription, capacité d’appui de l’organisation dans la résolution des dysfonctionnements…)
  • Les possibilités de réalisation et développement professionnels
  • La possibilité de conciliation vie professionnelle et vie personnelle

Les managers sont ainsi invités à choisir des situations qu’ils rencontrent réellement au quotidien pour trouver du soutien au sein d’un collectif d’appartenance, autant que pour identifier en quoi l’organisation doit se saisir de certains sujets.

 

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